Les plages présentent plusieurs microhabitats favorables aux arthropodes, qui y réalisent l’intégralité de leur cycle de développement ou n’y passent qu’une partie de leur vie (territoires de chasse des prédateurs).

Les laisses de mer constituent la base de cet écosystème. Elles ont la particularité de dépendre des apports organiques provenant pour la plupart de l’océan et de former un long ruban, large de quelques mètres et long de plusieurs centaines de kilomètres.

 

Elles sont principalement composées d’algues déposées par les marées, qui offrent des capacités d’accueil variables selon leur degré de décomposition.

Celles déposées par la marée du jour ou des jours précédents sont gorgées d'eau salée. Elles sont peu favorables aux détritiphages mais accueillent des puces de mer (ou talitres), venues s'y réfugier, ainsi que des mouches. Déposées en bas de plage, elles constituent un microhabitat temporaire qui sera rapidement repris par la prochaine marée.

 

 

 

 

Déposées plus haut sur la plage par les grandes marées mensuelles, ces laisses auront alors un mois, voire plusieurs, pour se décomposer et attirer, tout au long de ce processus, un cortège d'invertébrés diversifié, associant les mangeurs de matières en décomposition, ou détritiphages (talitres, larves de mouches…), et leurs prédateurs associés (staphylins, carabiques…).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les laisses issues des marées de très fort coefficient et déposées très haut sur la plage resteront en place près de 6 mois avant d’être reprises par la marée d’équinoxe suivante. Elles seront donc à terme quasi-complètement décomposées, relativement sèches et mêlées de sable. Leur richesse spécifique est moins importante mais elles accueillent quelques espèces affectionnant particulièrement cet habitat.

C'est sur ces laisses déposées au pied de la dune embryonnaire que les plantes annuelles qui composent le haut de plage végétalisé se développent : la bette maritime, la roquette de mer, ou encore la soude maritime… Elles accueillent des insectes phytophages se nourrissant parfois uniquement de ces plantes. Toutefois, le processus d’érosion des côtes a pour conséquence le creusement du pied de dune qui devient alors peu propice à l’accumulation d’algues et à la formation d’une ceinture végétale. 

 

 

Les laisses de mer sont également composées de bois échoués, d'origine naturelle ou anthropique qui constituent essentiellement un abri pour les espèces, bien qu’offrant un complément alimentaire à quelques détritiphages. Les bois posés sur le sable sont plus accueillants que ceux profondément enfoncés.

Enfin, la laisse accueille des cadavres d'animaux. Les plus gros, mammifères marins, sont rapidement évacués pour raisons sanitaires. Ce sont donc essentiellement des cadavres d'oiseaux, de poissons ou de crustacés qui sont abandonnés sur la plage. Les individus en décomposition attirent des mangeurs de cadavres, appelés nécrophages, représentés essentiellement par des larves de mouches, et leurs prédateurs associés, notamment les coléoptères histérides. Cette faune spécialisée est très adaptée morphologiquement.

 

De nombreuses espèces sont associées à la présence d’habitats stables. Elles vivent à l’interface entre le sable et ces éléments, rochers ou enrochements artificiels, pierres… Parmi elles, on trouve des opportunistes, de passage, mais aussi des arthropodes qui recherchent un habitat leur apportant l’obscurité et l’humidité dont ils ont besoin. Les pierres très enfoncées dans le sol offrent une interface avec un sable très humide et compacté et apparaissent moins favorables.

 

 

 

 

 

 

 

La plage sableuse présente de fortes contraintes pour les invertébrés :
- la température du sable en surface présente des variations très importantes constituant un obstacle à la survie d’un certain nombre d’espèces : Caussanel (1970) enregistre ainsi sur une plage landaise des variations de – 10° à + 56° !
- les précipitations sont plus abondantes mais le vent vif provoque une accélération de l’évaporation. Ainsi, Caussanel (1970) observe après une précipitation un dessèchement très rapide des premiers centimètres de sable, proche de conditions semi-désertiques. Dans un tel contexte, seules peuvent subsister les espèces bien adaptées à l’aridité ou pouvant la fuir rapidement.
- le vent a également des conséquences sur le déplacement des invertébrés : le 3 avril 1962, sur une plage landaise, Caussanel (1970) note un vent soufflant de 0,2 m/s à 7 m/s qui soulevait une masse de sable équivalente à 13,3 g/m3 au niveau du sol !
- il faut ajouter l’immersion de la plage, et notamment du haut de plage lors des marées d’équinoxe,
- le sel constitue enfin un facteur chimique qui entre également en compte mais de façon moindre : présent dans les embruns et déposé sur le sable, il est rapidement lessivé. Il faut toutefois noter que certains dépôts consommés (cadavres, bois) en sont saturés (Kirby, 1992).

Seuls les arthropodes ayant développé des adaptations particulières, morphologiques, physiologiques ou comportementales, se sont maintenus dans ce milieu hostile : dépigmentation des téguments leur donnant une couleur sable (homochromie), modification des pattes de type "marcheur" en type "fouisseur" permettant un meilleur déplacement à la surface du sable et la possibilité de s’enfouir notamment lors des périodes les plus chaudes de la journée, activité nocturne liée aux températures plus clémentes régnant la nuit sur la plage, déplacement par sauts pour certaines mouches, leur évitant d’être emportées par le vent en volant, cycle de reproduction court calqué sur celui des marées…

Les laisses de mer peuvent être comparées à une « oasis », apportant fraîcheur, humidité et nourriture, au sein d'une plage dont les conditions de vie sont comparées à des conditions semi-désertiques (Caussanel, 1965). La richesse spécifique d'une plage sableuse est étroitement liée à la présence et à la densité de laisses de mer. Ces dernières sont dépendantes des conditions hydrodynamiques locales, dues aux vents, aux marées et à leurs courants associés. Mais elles sont aussi fortement dépendantes des activités humaines, certains secteurs très touristiques de la côte bas-normande faisant l'objet d'un enlèvement complet et régulier de la laisse de mer.

Notons que le littoral ouest du Cotentin bénéficie de l’influence du Gulf stream. Les plages sableuses y accueillent donc plusieurs espèces atlantiques ou méditerrano-atlantiques absentes des côtes nord du Calvados, plus froides.

   
   

Estran sableux
Estran rocheux
Pied de falaise

   
     
       
       
         
         
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